NOS POSSÉDÉS… par François Leclerc

Billet invité.

Les négociations vont-elles enfin aborder la seule question qui compte, celle de la dette grecque et de son remboursement ? Les dirigeants européens ont dès le début fait le calcul de n’aborder ce deuxième volet des discussions qu’après avoir fait capituler le gouvernement grec en l’asphyxiant financièrement. Mais comment disjoindre les mesures exigées à court terme du calcul des allégements des remboursements à venir, qui sont reconnus comme inévitables à défaut de décote ? Irrésistiblement, la question refait surface.

Olivier Blanchard, l’économiste en chef du FMI, y contribue dans Les Échos, non sans logique lorsqu’il réclame « des mesures crédibles pour transformer ce dernier [le déficit budgétaire] en surplus et maintenir ce surplus dans l’avenir ». Quitte à décrire un système des retraites « souvent trop généreux », et des fonctionnaires en sureffectif. A n’envisager que des coupes budgétaires, à l’exclusion de tout perspective de relance économique reposant sur l’investissement. A se contenter, de manière restrictive, de préconiser de « regarder quelles mesures structurelles sont essentielles pour garantir une croissance soutenue à moyen terme ». Hors de l’austérité, point de salut !

Dans un nouvel article proposé en syndication, Yanis Varoufakis réfute cette approche : « notre gouvernement ne peut pas accepter – et n’acceptera pas – un remède qui a déjà prouvé durant cinq longues années qu’il était pire que l’affection qui était combattue », une potion qualifiée par Alexis Tsipras qui refuse de l’avaler de « demandes irrationnelles ». Le ministre des finances relie celles-ci aux exigences « insoutenables » d’excédents budgétaires qui sont formulées, et remarque en conclusion que « la demande de plus d’austérité par nos créanciers n’a rien à voir avec de véritables réformes ayant comme objectif de placer la Grèce sur une trajectoire fiscale soutenable. »

Préconisant de s’attaquer aux problèmes délaissés, le ministre de l’économie Georges Stathakis évoquait à ce sujet, dans une interview au journal Le Monde, « des problèmes structurels que la Troïka n’a ni identifiés, ni traités. Comme par exemple les relations entre l’État et certains intérêts privés ». Et il affirmait sa conviction que « notre économie présente un fort potentiel de croissance ». Mais, dans l’immédiat, seules les économies budgétaires réalisées par le nouveau gouvernement lui ont permis de régler ses factures et ses dettes, les recettes fiscales étant à la peine, car les mesures destinées à les développer ne peuvent produire leurs effets que progressivement.

C’est d’un plan de relance que la Grèce a besoin, assorti des réformes que le gouvernement a lancées, et d’autres qui pourraient suivre, ciblées afin d’atteindre ce qui a conduit la Grèce dans un abîme d’endettement pour le plus grand bénéfice de ses créanciers privés, qui se sont depuis défaussés.

L’idéologie mainstream y fait obstacle, faisant dire à Mario Draghi que la politique de la BCE de taux au plancher zéro pourrait durer dix ans, si des réformes structurelles ne sont pas réalisées, en dépit de leur effets négatifs qu’il reconnaît. Les conditions « presque idéales » pour les entreprendre ont été selon lui créées par la BCE, et il appartient désormais aux gouvernements d’agir. Toujours le même refrain : il faut débloquer la croissance qui ne demande qu’à jaillir. Et que l’on ne dise pas que la BCE se mêle de ce qui ne la regarde pas, les banques centrales ont « le devoir de s’exprimer sur les politiques qui rendent difficiles, voire impossible, l’exercice de leur mandat »…

Ces gens sont des possédés.